Quel est l’effet du vieillissement normal sur un individu, sur sa physiologie, sa psychologie, son intellect ? C’est la question que s’est posé l’Institut national sur le vieillissement de Baltimore en 1958. Il a alors lancé une très vaste étude reposant sur l’observation de plusieurs centaines de personnes durant plusieurs décennies. Étrangement, au cours des 20 premières années de l’étude, seuls des hommes étaient observés. Bien que les femmes représentent les deux tiers des plus de 65 ans dans le monde. L’une des raisons avancées par les chercheurs pour cette absence totale de la gente féminine : au début de l’étude, le site de recherche ne disposait pas de salle de bains pour les femmes… On pourrait croire ce type d’aberrations médicales révolues. Pourtant, en 2015, quand le premier « viagra féminin », Addyi, a été lancé, il était fortement déconseillé de le mélanger à l’alcool car une étude avait montré les conséquences néfastes de ce mélange. Une l’étude qui avait porté sur 23 hommes et seulement 2 femmes…
Inégaux face à la maladie et aux traitements
Hommes et femmes sont inégaux face à la maladie. Certaines touchent majoritairement les femmes : Alzheimer, anorexie, dépression, ostéoporose, ou encore troubles alimentaires. D’autres sont plus fréquentes chez les hommes : tumeur du cerveau, tumeur du pancréas, ou AVC ischémique.
Hommes et femmes sont également inégaux face aux traitements :
- Les femmes présentent par exemple des réactions plus élevées face aux anticorps des vaccins. Une demi-dose leur suffit pour la même production d’anticorps que les hommes. Elle rencontrent aussi plus de réactions indésirables.
- Les somnifères agissent plus efficacement et plus longtemps chez les femmes.
- L’aspirine est moins efficace pour diminuer le risque d’infarctus chez les femmes.
- Les statines, molécules de base dans les traitements anti-cholestérol, augmentent de 71 % le risque de diabète chez les femmes après la ménopause, ce qui accroît le risque de maladies cardio-vasculaires. Effet secondaire que ne subissent pas les hommes.
Les femmes oubliées dans les études…
Souvent, cependant, on n’est pas même conscient de ces différences car les études sont réalisées sur des sujets mâles. D’après une publication prenant en compte 1 303 études publiées entre 2011 et 2012 dans cinq revues consacrées à la chirurgie, 78 % des études incluent des hommes et des femmes, mais souvent de manière disproportionnée : moins de la moitié comptent au moins une femme pour deux hommes. Et 17 % de ces études ne précisent pas du tout le genre.
L’absence de femmes dans les études médicamenteuses remonterait aux années 1960, selon Caroline Criado Perez, auteure de Femmes invisibles. « Des médecins commencèrent à prescrire de la thalidomide aux femmes enceintes qui souffraient de nausées matinales. […] La thalidomide affectait le développement fœtal (ce que son fabricant savait en fait depuis 1959). Avant que ce médicament soit retiré du marché, en 1962, plus de 10 000 enfants étaient nés à travers le monde avec des infirmités dues à la thalidomide. » A la suite de ce scandale, la FDA (équivalent américain de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) publia un document stipulant que les femmes en âge de procréer devaient être exclues des essais cliniques de phase 1 (qui vise à cerner la toxicité d’un traitement) et de phase 2 (qui a pour but de démontrer l’efficacité du traitement et de définir la dose optimale). Des directives qui n’ont été modifiées qu’au début des années 1990.
… même dans les tests sur animaux
Certains chercheurs préfèrent cependant encore mettre les femmes de côté car leur corps serait « trop complexe, trop variable, trop coûteux » et donc jugé trop « fastidieux ». Et quand elles participent à des essais, les femmes ont tendance à être au début de leur cycle menstruel, quand les taux d’hormones sont les plus bas, c’est-à-dire plus proches de ceux des hommes. Il a pourtant été prouvé que les cycles menstruels, ignorés des études, donc, avaient un impact sur les effets des antipsychotiques, des antihistaminiques, des antibiotiques ou encore des traitements cardiaques.
Et même dans les tests sur animaux, les femmes sont négligées. Une publication de 2007, citée dans Femmes invisibles signale que « 90 % des articles pharmacologiques décrivent des études portant uniquement sur des animaux mâles ». Et c’est vrai même dans les études concernant surtout des femmes. Ces dernières sont par exemple davantage sujettes à la dépression. Pourtant, pour ce qui est des troubles cérébraux, les études ont cinq fois plus de chances d’être réalisées sur des animaux mâles.
Article très intéressant !
Merci pour votre commentaire Virginie.