Au sein de l’entreprise LDLC, qui vend du matériel informatique en ligne et en boutique, depuis 26 ans, Laurent de la Clergerie, le dirigeant, a mis en place la semaine de 4 jours il y a un peu plus d’un an. Les 1000 salariés de l’entreprise sont passés aux 32 heures.
Comment avez-vous décidé de mettre en place la semaine de 4 jours ?
Laurent de la Clergerie : J’ai commencé à réfléchir à l’idée en décembre 2019. On parlait alors beaucoup moins de la semaine de 4 jours. Je cherchais à améliorer la qualité de vie au travail dans mon entreprise. J’ai lu un article sur Microsoft, qui avait testé le dispositif pendant un mois au Japon et qui en expliquait les bénéfices. En continuant mes recherches, j’ai vu que la semaine de 4 jours était assez répandue en Nouvelle-Zélande, ou encore en Islande et que les résultats étaient plutôt favorables. La question était, comment le mettre en place chez LDLC. Conserver le même temps de travail hebdomadaire sur 4 jours et donc,passer de 7 heures à 8 heures 45 de travail par jour me semblait compliqué. La moyenne d’âge à LDLC est de 33 ans. Beaucoup ont des enfants. Nous avons donc décidé de passer aux 32 heures dans le même temps, sans baisse de salaire.
Comment le dispositif a-t-il été accueilli par les salariés ?
Nous l’avons annoncé en juin 2020 et il a été formalisé à partir de janvier 2021. Il concerne tous les collaborateurs de l’entreprise depuis le mois de juin. Nous l’avons mis en place un peu plus tard dans les filiales. L’accueil a été plutôt positif. Cela a généré quelques craintes chez les managers et les cadres, qui redoutaient de devoir porter une charge de travail supplémentaire en raison de la baisse du temps de travail. Le passage aux 32 heures a aussi entraîné la perte des RTT pour les cadres, ce qui a aussi fait quelques mécontents. Nous avons interrogé les salariés il y a 6 mois. 2 % indiquaient ne pas voir l’intérêt de la mesure. 97 % en étaient satisfaits. Et 30 % affirmaient que cela avait « changé leur vie ».
Concrètement, comment s’organise cette semaine de 4 jours ?
Chacun choisit son jour non travaillé. La contrainte est que, si les salariés ne travaillent que 4 jours, l’entreprise, elle, doit fonctionner 5 jours sur 7 jours, voire 7 jours sur 7 dans certains services. Nous avons dû le prendre en compte. La plupart des collaborateurs voulaient prendre leur mercredi ou leur vendredi. Nous avons donc créé des binômes, de façon à ce que chacun puisse avoir un vendredi sur deux par exemple.
Quels sont les avantages de la mise en place de la semaine de 4 jours ?
Je pensais qu’avec la semaine de 4 jours, les collaborateurs auraient davantage de temps pour eux. En réalité, les avantages vont bien au-delà. Habituellement, on travaille cinq jours par semaine. Durant ces cinq jours, on n’a pas de temps pour faire des choses pour soi. Le samedi, on essaie de rattraper le temps, de faire les courses, le ménage etc. Le dimanche constitue le seul jour de repos, mais on a déjà en tête qu’il faut redémarrer le lendemain. Avec la semaine de 4 jours, on dispose d’une journée pour faire tout ce qu’on a pas le temps de faire habituellement. De prendre un rendez-vous chez le médecin. De faire les courses sans que le magasin ne soit bondé. On peut aussi décompresser. Prendre du temps pour soi. Résultat, le samedi et le dimanche, on a un vrai weekend. Mentalement, cela n’a rien à voir. On ramène beaucoup moins les problèmes de la maison au travail. Et inversement. On est plus reposé au travail et plus reposé à la maison.
Et finalement, les collaborateurs font le même travail en 4 jours qu’en 5. Car comme ils sont plus reposés et ont plus de temps pour eux, ils sont plus efficaces au travail. Je me suis aussi rendu compte que l’introduction de ce jour off avait modifié notre rapport au temps. Tout le monde n’est pas là tous les jours. Cela nous a rappelé que la plupart du temps, nous ne sommes pas à 24 heures près. Cela réapprend aux gens à attendre. On relativise la notion d’urgence.
La mise en place de ce dispositif vous a-t-elle coûté cher ?
En cherchant à savoir combien la semaine de 4 jours allait coûter à l’entreprise, en amont, j’avais estimé le coût du dispositif à 4 à 5 % de la masse salariale. Environ un million d’euros sur un an. C’était un coût important mais acceptable car l’entreprise a un Ebitda [bénéfices avant intérêts et impôts] de 10 millions d’euros. En réalité, le coût a été moindre, car nous pensions embaucher et ne l’avons pas fait car les gens sont plus efficaces au travail.