Après avoir dirigé pendant 22 ans une entreprise de fabrication de produits en béton, Claire Lagrange, 48 ans, a effectué un grand virage en 2020 en créant Poule à Dom. Cette entreprise conçoit et installe des poulaillers en entreprise et dans les collectivités. Ces poulaillers, sur-mesure et clés en main, apportent nature, compagnie et réduction des déchets.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer Poule à Dom ?
J’avais l’opportunité de revendre la société dans laquelle je travaillais depuis plus de 20 ans et je me suis alors demandé ce que j’allais faire. J’avais envie d’avoir une entreprise où on est en contact direct avec le client, où on voit directement où vont nos produits et de rendre le « monde plus joli », même si c’est un peu utopique.
Originaire de la campagne, d’un petit village de l’Oise de 500 habitants, j’ai toujours eu l’habitude d’avoir des poules. Je n’ai jamais eu de poubelles, tous les déchets allaient aux poules et je récupérai leurs œufs. En 2020, je me suis dis que c’était dommage que tout le monde n’ait pas accès à ça, qu’il pourrait être possible d’installer aussi des poulaillers en ville. Il y avait bien des propositions pour installer des moutons et des abeilles en ville… J’ai donc eu envie de proposer d’installer des poulaillers qualitatifs et sur-mesure, pour apporter de la joie en entreprise et proposer une solution de réduction des déchets, car une poule mange 150 kilos de déchets organiques par an.
Comment ça fonctionne quand une entreprise ou une collectivité est intéressée ?
Ils me contactent et comme on fait du sur-mesure, on discute pour savoir ce dont ils ont besoin, la place qu’ils ont, combien de salariés mangent sur place, s’ils préfèrent un parc avec du bois ou du métal, des poules classiques fermières ou de sauvegarde (destinées à l’abattoir et qu’on sauve)… Ensuite, une fois qu’on a tout validé ensemble, on conçoit le poulailler en atelier puis on le monte sur place et on installe tout – l’enclos, la litière, le granulé – puis on forme les gens à s’occuper des poules et on s’en va.
La prise en charge des poules revient donc ensuite aux entreprises et collectivités ?
L’idée c’est que les poules deviennent vraiment un animal de compagnie. On a tout imaginé pour que ce soit facile de s’en occuper. Il n’y a pas de problème d’odeur et d’entretien, en général mes clients changent la litière une fois par mois. On met de la sciure de bois sur la litière, ce qui permet de bien absorber et d’être entièrement compostable. On peut ainsi la mettre au pied des arbres ou dans le compost. Le poulailler est toujours sur pilotis, ce qui apporte de la sécurité aux poules, il n’y a pas d’animaux qui peuvent rentrer, on installe un petit portillon automatique qui se ferme la nuit, ainsi qu’une trappe. On leur donne ainsi à manger, à boire et on récupère les œufs depuis l’extérieur, ce qui facilite l’hygiène.
Quelles sont les réactions des salariés des entreprises et collectivités où les poulaillers sont installés ?
Souvent, le côté déchet est une porte d’entrée pour installer un poulailler. La réduction des déchets, ce n’est pas un gadget, parce qu’avec quatre poules, ça fait 600 kg en moins par an. Quand les déchets vont être payants à l’enlèvement, les entreprises vont s’y retrouver. Mais cela occasionne bien plus de réactions positives, car il y a aussi un côté ludique pour les usagers. Un chef d’entreprise me disait qu’il avait une table de pique-nique à l’extérieur où personne n’allait. Depuis qu’un poulailler est installé, tout le monde y va. Les poules deviennent souvent des mascottes, les salariés leur donnent des noms, ça apporte vraiment de la vie dans l’entreprise ou dans les écoles où on en a installé. Puis les gens nous posent des questions quand on vient présenter le projet ou installer le poulailler. On leur explique qu’il n’y a pas forcément besoin de coq pour avoir des œufs, une fois qu’ils les ont goûtés, ils sont impressionnés par ces « vrais œufs ».
Ça ne pose pas de problème d’en installer en ville ?
En ville, on ne va pas mettre une poule sur un balcon, mais souvent les immeubles collectifs ont un espace vert où il y aurait la possibilité de mettre un poulailler. C’est aussi possible d’installer un poulailler sans qu’il y ait d’espaces verts, même si ce n’est pas ce qu’on préfère faire. On peut par exemple installer un poulailler sur le toit d’un immeuble. On a aussi imaginé des poulaillers à étage, ce qui permet aux poules de se balader. Quoi qu’il en soit, les poules seront toujours plus heureuses que dans une batterie. La poule est un vrai animal de compagnie, elle n’est pas solitaire, elle aime voir du monde, donc elle s’adapte très bien. Et question nuisances, à partir du moment où on ne met pas de coq, il n’y a pas de bruit généralement.
Quels projets de développement avez-vous ?
On a commencé pendant le Covid. En un an et demi, on a installé des poulaillers dans une dizaine d’entreprises et collectivités. Mais l’objectif, c’est évidemment d’en déployer le plus possible sur tout le territoire. On est d’ailleurs en train de nouer un partenariat avec deux personnes dans le sud de la France qui sont motivées pour faire la même chose. On peut se développer très vite, il suffit d’avoir de la main-d’œuvre pour monter les poulaillers. Le plus difficile dans une entreprise innovante, c’est le début, le temps que les gens croient dans le projet.